Sapa : 2 journées de trek avec Mama Sa

A peine posé un pied en dehors du bus qui m’a conduit de Hanoi à Sapa, une horde de petites dames habitants les villages environnants se mettent à courir en direction du bus tout juste stationné. Elles sont jolies, avec leurs tenues pleines de couleurs, leurs grands sourires et leurs petits yeux plissés.

Arrivée du bus à Sapa (Vietnam)

Beaucoup proposent de séjourner chez elles après une balade dans les rizières.

Moi, j’ai choisi Mama Sa, une petite dame de l’ethine Hmong habitant à Hau Thao, à 11km de la ville, qui vient me chercher. Elle sera ma guide pour les deux jours fantastiques que je m’apprête à passer avec elle. J’ai préféré la contacter directement plutôt que de passer par une de ces agences qui te font faire un tour mécanique, moins authentique, qui coûte un bras et demi et puis surtout, je préfère savoir.

Son mari est là aussi, il vient récupérer mon gros sac à dos en moto et faire un tour au marché de Sapa pour acheter de quoi nous régaler au repas du soir.

Comme il est 13h30, Mama Sa me demande si j’ai déjeuné. Je lui répond que non mais que je n’ai pas faim (en fait, j’ai dévoré un paquet de biscuits dans le bus). Alors, elle m’attrape par la main et m’amène jusque devant une petite étale où elle achète de toutes petites pommes rondes au goût sucré.

Petite pomme ronde du marché de Sapa

Nous les mangerons en traversant la petite ville de Sapa, qui aurait pu être charmante si tout n’était pas chantier de resorts et hôtels plus ou moins luxueux, envahis par des touristes à talons haut plus ou moins prêts à affronter le froid du Nord Vietnam.

Oui, parce que je n’ai évidemment pas choisi la meilleure saison pour visiter cette région. Au mois de mars, on sort ici tout juste de l’hiver et la couche de brouillard qui enveloppait toutes les montagnes commence à peine à se dissiper.

Mais si les rizières ne sont pas d’un vert éclatant comme elles le sont entre mai et août, les paysages sont tout aussi impressionnants et je me sens toute petite au milieu de ces rizières qui n’en finissent plus.

Rizière dans la région de Sapa (Vietnam)

En route pour

Nous marcherons sur 13 kilomètres en passant par les villages de Cat Cat, capitale des H’mong Noirs  et Lao Chai.

Ce qui est en soit un parcours classique pour un trek de la région, sauf que nous passons par des chemins inexplorés où les seules personnes que nous croiserons sont des enfants rentrant de l’école où des femmes aux mains teintées de bleu,

Mama Sa m’explique que c’est parce qu’elles confectionnent elles-même leurs vêtements et que le bleu qu’elles ont sur les mains provient de l’indigo qui donne cette couleur bleue aux tissus. Toutes les femmes Hmong mettent environ 1 an à faire elles-mêmes leurs tenues (un an et demi pour Mama Sa qui s’avoue un peu flemmarde).

En passant devant les trois écoles de Lao Cai, le plus grand village de la région, Mamasa m’explique ne savoir ni lire, ni écrire car, quand elle était enfant, la seule école de la région se trouvait à Sapa et elle était bien trop chère pour que ses parents puissent la lui payer. Aujourd’hui, presque tous les villages disposent d’une école, ses trois enfants sont scolarisés, mais elle doit payer l’équivalent de 10$ par mois pour le plus petit, son «little monkey» de 3 ans, alors que pour les grands, elle est gratuite.

Ecole à Lao Chai

(Au Vietnam, toutes les écoles sont peintes en jaune et portent des drapeaux jaune, rose et bleu).

A Lao Cai, je suis d’abord surprise de trouver un parfait terrain de foot en pelouse synthétique, au beau milieu des montagnes.

un terrain de foot synthétique à Lao Chai

un terrain de foot synthétique à Lao Chai

Je crois que c’est un peu le même sentiment que je connaîtrai plus tard à Yangon, quand je verrai un moine prendre un selfie devant un temple. Oui parce qu’on s’attend toujours à un dépaysement total, sans penser qu’ailleurs aussi, même dans les régions reculées, la terre tourne et entraîne avec elle des progressions sociales et économiques (même si j’ai pas encore trouvé dans quelle catégorie de développement le «selfie» doit figurer).

Les « resorts » se construisent à une allure folle ici. Un peu trop folle pour Mama Sa qui regrette ces touristes qui arrivent en masse, elle qui a peur des voitures et qui n’a jamais voyagé plus loin que Sapa. Un tourisme déraisonné qui profite bien plus aux investisseurs chinois qu’aux petites vendeuses de bracelets …

Nous traversons ensuite une route qui donne sur une sorte de petit magasin, et sans rien me dire, Mama Sa sors une machette de je ne sais où, taille une canne à sucre en plusieurs morceaux et m’en tend un. Ne sachant pas trop quoi faire avec cette chose dure comme du bois, elle me fais signe en rigolant que je dois croquer dedans. J’arrive à en détacher un petit bout, le mastique, et un liquide doux et sucré se libère de la canne à sucre. C’est délicieux !

Nous marcherons jusqu’à arriver dans la maison de sa mère, juste avant la tombée de la nuit.

Trek dans la région de Sapa, vue depuis la maison de la maman de Mama Sa

Sur place je rencontre quatre allemands, arrivés la veille, une française et un canadien arrivés plus tôt dans la matinée. On se raconte notre journée autour d’une bière, et partis du même point A pour arriver au même point B, personne n’a fait le même itinéraire.

Nous nous attablons ensuite autour d’un repas gargantuesque préparé par Mama Sa et sa mère : des nems, du tofu, du riz, des salades de choux et d’haricots, du porc au barbecue …

A la fin du repas, Vuvy, une amie de Mama Sa, tenant un homestay dans la maison d’à côté nous rejoint avec deux bouteilles d’alcool de riz et nous apprend, le sourire au lèvre, que nous n’iront pas nous coucher tant que les bouteilles ne seront pas vidées, et pour ce faire, Vuvy dispose 10 petits verres (un chacun) en cercle, au milieu de la table. Au centre de ce cercle, une tasse. La règle est simple : chacun à notre tour, nous lançons une pièce afin qu’elle fasse un rebond sur la table puis qu’elle atterrisse dans l’un des verres (le propriétaire du verre dans lequel la pièce a atterrit boit celui-ci cul sec) ou dans la tasse (alors tout le monde boit). C’est après un moment alcoolico-convivial que nous irons nous coucher, fatigués mais réchauffés.

J’adore ces réveils où, après une nuit de sommeil réparatrice mais encore à moitié endormie, je me demande où je suis. Puis, je sens cette odeur de pancakes qui cuisent et de thé chaud, j’ouvre les yeux, jette un oeil par la fenêtre et me rappelle où je suis.

2ème jour de trek : des rizières à perte de vue…

Partout autour de moi, des rizières, quelques maisons, et rien d’autre.

Vue depuis la maison de la maman de Mama Sa

Vue depuis la maison de la maman de Mama Sa

Après une toilette de chat, nous nous réunissons autour de la montagne de pancakes – moelleux juste comme il faut – qui nous attend, une omelette tiède et baveuse, quelques bananes fraîches et un thé savoureux. Mais c’est qu’après tout ca dans le ventre, il va falloir reprendre la route ! Deux des allemands repartirons en moto jusqu’à Sappa pour prendre un bus. La petite troupe que nous sommes allons d’abord traverser les villages Dao de Su Pan, Thanh Kim, Ban Phung et Gieng Ta Chai avant de regagner la ville.

Nous commençons donc à grimper dans les rizières et, tout au long des trois heures de marche, la vue est à couper le souffle.

Arrivé devant un petit arbuste, Mama Sa s’arrête, en arrache deux feuilles et me les fourrent dans les mains «tu vois, c’est ça l’indigo dont je te parlais hier». Elle en donne ensuite aux autres et nous frottons les feuilles dans nos mains. Au bout de quelques instant, nos paumes sont toutes vertes. Il nous faudra attendre encore quelques dizaines de minutes pour qu’elles deviennent bleues, couleur de l’indigo !

Nous montons et descendons la montagne dans un sol boueux, traversons de petites rivières naturelles jusqu’à arrivé à Gieng Ta Chai où des femmes du village nous suivront sur 200 mètres en essayant de nous vendre écharpes et bracelets. Ca fait rire Mama Sa, puisqu’il y a huit ans, avant d’ouvrir son Homestay, elle aussi, un panier en osier plein de breloques sur le dos, allait a la rencontre des touristes et vendait quelques objets.

Nous remontons le village, marchons encore quelques minutes puis arrivons devant une grande école, que de jeunes étudiants sont en train de nettoyer. Nous traversons la cour puis prenons un chemin de terre derrière le bâtiment et arrivons chez Mama Sa (je rappelle que la nuit dernière, nous avions dormi chez sa mère).

Là, le plus grand de ses fils nous a préparé d’énormes assiettes de nouilles aux légumes, que nous mangerons tranquillement avant que des amis de Mama Sa viennent nous chercher en moto pour nous ramener à Sapa.

Au moment de la quitter, nous lui demandons combien nous lui devons nous pour ces deux  jours passés en sa compagnie. Toujours avec son sourire et son anglais imparfait mais si mignon, elle nous répond «you choose» : nous lui donnerons chacun l’équivalent de 25$. Pour nous remercier, elle nous offre un bracelet en argent et trois bracelets «porte bonheur» que son mari a lui même confectionné.

Le marché de Cau Cau

Mon retour à Hanoï n’étant prévu que le lendemain à 14 heures et n’étant pas vraiment tombée sous le charme de la ville de Sapa, je loue un scooter et décide de partir en direction du marché de Can Cau, à 130 km de là, qui se tiendra le lendemain matin. Je fixe mon sac à dos à l’arrière de mon semi-automatique et roule en m’arrêtant souvent pour vérifier mon itinéraire.

J’arriverai à Bac Ha à 21 heures, frigorifiée et fatiguée. Au premier panneau indiquant un hôtel, je m’arrête, négocie le prix d’une chambre double, me glisse sous mes couvertures bien chaudes de mon lit confortable et m’endors illico presto.

Ce n’est qu’en me réveillant que je me rend compte que je suis la seule cliente de l’hôtel, et même la seule touriste à s’être aventurée dans le coin. C’est vrai qu’il n’y a, à première vue, pas grand chose à faire ici. J’achète donc un paquet de gâteau et remonte sur mon scooter pour trouver ce fameux marché.

Je croise en route des hommes à scooter transportant des poulets et des chèvres (si si c’est possible), des camions de chevaux, un enfant qui conduit un troupeaux de buffle avec une simple petite baguette. Je comprend que je suis sur là bonne voie.

20 km après avoir quitté Bac Ha, j’atterris tout à coup au milieu d’une immense foule pleine de couleur. Sur la droite, des centaines de buffles broute l’herbe en attendant leurs futurs acquéreurs, sur la gauche, des chevaux et des chèvres. J’avance dans cette ambiance ahurissante où des femmes vendent des fruits depuis l’intérieur d’un camion, d’autres des épices et des nouilles pendant de la viande grille sur le barbecue.

Il n’est pas encore 8 heures du matin et c’est l’effervescence, des buffles montent dans les camions, d’autres en descendent tout ca au beau milieu des rizières.

Je serai bien restée un peu plus longtemps mais je dois déjà repartir en direction de Sapa. Au moment où j’enfourche mon scooter, des dizaines de bus de touristes arrivent les uns après les autres.

Je repars tranquillement et prend le temps de faire quelques clichés sur la route du retour.